Que signifie avoir une attitude “professionnelle” au travail ? Traditionnellement, on pense à un salarié stable, concentré sur ses tâches, qui ne fait pas de vagues et ne laisse transparaitre ses émotions que lors de quelques moments de socialisation avec ses collègues. Il s’agirait de créer une barrière étanche entre la personne que nous sommes à la maison et celle que nous laissons voir au travail, comme si nous laissions chaque matin nos émotions aux portes du bureau.
Cette vision qui prévalait durant la majorité du 20ᵉ siècle est aujourd’hui fortement remise en question, par les chiffres inquiétants du stress au travail notamment. L’étude People at Work 2022 menée par ADP nous apprend que 64 % des salariés français déclarent ressentir du stress au travail au moins une fois par semaine. Derrière ce phénomène, ce sont un ensemble d’émotions qui s’additionnent jusqu’à créer un trop-plein : la fatigue, l’anxiété, la contrariété… Autant d’émotions sur lesquelles les entreprises ne peuvent plus se permettre de fermer les yeux si elles souhaitent concilier performance et bien-être au travail.
Topformation a décidé de plonger au cœur des émotions au travail pour mieux comprendre comment se sentent les salariés français et comment l'intelligence émotionnelle pourrait révolutionner l’entreprise.
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État des lieux des émotions au travail
Les émotions au travail diffèrent en fonction de nombreux facteurs : le type de poste, le genre, l’âge, le niveau de diplôme, la taille de l’entreprise… D’après le Baromètre social des émotions réalisé par l’institut Think, les salariés de moins de 45 ans sont par exemple plus nombreux à ressentir de la culpabilité (+ 13 %) ou de la confusion (+ 11 %), alors que leurs collègues de plus de 45 ans se sentent plus énergiques et sereins (+ 4 %).
Globalement et toujours d’après l’étude de l’institut Think, les émotions les plus courantes en entreprise sont :
- La concentration, la confiance en soi, l’énergie, la motivation et le calme pour les ressentis positifs
- La fatigue, l’anxiété / stress, la contrariété, la tension et la colère pour les ressentis négatifs
La balance émotionnelle des professionnels (ratio entre les ressentis positifs et négatifs) est positive pour une petite majorité des salariés (55 %), et à l’équilibre pour 15 % d’entre eux. Un chiffre encourageant qui ne doit pas occulter les 30 % restant, dont la balance émotionnelle négative peut témoigner d’une situation de souffrance au travail.
Il est important de souligner qu’aucune émotion n’est en elle-même négative. Certaines sont désagréables voir douloureuses à ressentir, mais toute émotion est avant tout une information à prendre en compte. Les émotions nous signalent si une situation répond ou non à nos besoins, nos valeurs et nos aspirations. Faire taire ses émotions n’aura aucun effet sur la situation en elle-même : si votre manager vous dévalorise publiquement, les conséquences seront toujours là, que vous exprimiez votre colère ou que vous choisissiez de la garder au plus profond de vous. Le risque à trop vouloir refréner ses émotions est de créer un trop-plein qui peut mener jusqu’à la dépression ou au burnout (épuisement professionnel).
Montrer ses émotions ou les cacher ?
D’après l’enquête Conditions de travail menée par la DARES, près de deux tiers des salariés déclarent cacher leurs émotions au travail (65,3 %). Monter ses émotions est plus ou moins bien accepté en fonction des métiers. Par exemple, on attendra d’un serveur en restauration ou d’un réceptionniste qu’il soit toujours souriant et lisse pour représenter l’établissement, toute manifestation d’émotion étant considérée comme malvenue. À l’inverse, on déplorera un aide à domicile trop froid dans son approche, et on préfèrera qu’il démontre des qualités comme l’empathie et l’écoute.
Les émotions deviennent un sujet de moins en moins tabou pour les jeunes générations, plus conscientes des enjeux de santé mentale et de bien-être au travail. 82 % des 18 - 34 ans se disent prêts à soulever un point entravant leur bien-être au travail contre 69 % des plus de 55 ans. Ce chiffre encourageant prouve que les jeunes sont plus à l’aise pour parler de leurs ressentis, ouvrant la voie à des politiques actives de prévention des risques psychosociaux et d’amélioration de l’environnement de travail par les employeurs.
Mais le chemin est encore long : d’après ADP, moins de la moitié des salariés reçoivent du soutien de la part de leur manager lorsqu’un problème affecte leur santé mentale.
Lorsque des initiatives sont prises par l’employeur pour prendre en compte les émotions au travail et diminuer les ressentis négatifs, il s'agit principalement de la mise en place d’une communication plus fréquente avec les salariés (26 %) et d’un droit à la déconnexion garanti (18 %).
Un niveau de stress sans précédent dans l’entreprise post-covid
La pandémie a bouleversé nos modes de travail, provoquant pour certains salariés isolement, perte de sens et brouillage de la frontière entre vie privée et vie professionnelle. La part des salariés français déclarant ressentir du stress au travail chaque semaine s’élève en 2022 à 64 %, un chiffre en augmentation de 9 points par rapport à la période avant COVID (début 2020) mais en dessous de la moyenne européenne (71 %).
Les salariés sont plus stressés et se sentent aussi plus à risque face au burnout (épuisement professionnel) : d’après le Rapport sur le burnout des employés édité par INDEED, 67 % des professionnels estiment que l'épuisement professionnel s’est aggravé pendant la pandémie.
Le stress a des conséquences lourdes au niveau individuel en termes de santé mentale et physique, mais l’entreprise en pâtit également. 40 % des salariés pensent que leur stress impacte négativement leur travail. Le stress représente ainsi à la fois un enjeu de bien-être au travail et un paramètre de performance. Des salariés stressés délivreront un travail de moins bonne qualité, seront plus sujets à l’absentéisme et moins susceptibles de rester dans l’entreprise, engendrant un risque de turn-over important qui augmente les coûts liés au recrutement.
Les entreprises sont tenues par le Code du travail d’évaluer les risques psychosociaux qui pèsent sur leurs employés et de mettre en place des actions de prévention, d’information et de formation pour les réduire. Mais le travail des managers et professionnels des ressources humaines est rendu difficile par la généralisation du télétravail. À travers les écrans, les signaux de mal-être des employés sont moins visibles, et il est moins évident de se rendre compte de leur charge de travail ou de leur niveau de stress.
L’intelligence émotionnelle, future compétence clé en entreprise
Et si les émotions devenaient un atout en entreprise plutôt qu’une faiblesse ? Mark Brackett, chercheur en psychologie et fondateur du Centre sur l’intelligence émotionnelle de l’Université de Yale, en est convaincu. Pour lui, « Les émotions sont la force la plus puissante sur le lieu de travail ».
Les émotions sont souvent contagieuses, du sourire qu’on ne peut s’empêcher de retourner à l’anxiété qui se répand dans une salle de réunion. Il n’est pas question bien sûr de laisser exploser ses émotions sans aucun contrôle, mais de faire preuve d’intelligence émotionnelle en cherchant à comprendre ses émotions et celles des autres : ses collègues, son manager, ses clients...
Avant la pandémie, seuls 20 % des dirigeants seniors estimaient que l’intelligence émotionnelle était importante pour le développement d’une entreprise. Aujourd’hui, ils sont 69 % à partager cette opinion d’après une étude de l’entreprise Verizon.
Les cadres aussi sont convaincus de l’intérêt d’accepter ses émotions et de prendre en compte celles des autres : 36 % des cadres pensent que l'intelligence émotionnelle deviendra une compétence indispensable d'ici un à trois ans (Statista).
D’après le chercheur Daniel Goleman, « L'intelligence émotionnelle joue un bien plus grand rôle [que le quotient intellectuel], étant responsable à 80 % du succès professionnel ». À l’échelle de l’entreprise, elle permettrait de créer un environnement de travail plus productif, plus positif et plus épanouissant pour tous.
Il n’est pas inné de décoder ses émotions et de les exprimer de manière intelligible et non violente. Pour 80 % de la génération Y (1984-1996), le coaching et la formation sont les méthodes les plus efficaces pour acquérir des compétences en intelligence émotionnelle.
Alors, qu’attendons-nous pour développer cette compétence essentielle dans l’entreprise de demain ?
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